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Désarmer les naufrageurs du climat et de l’espèce humaine

mardi 5 décembre 2023

Alain Grandjean (Polytechnicien, Carbone 4), Claude Henry (Physicien, économiste, Polytechnique) et Jean Jouzel (climatologue, ancien vice-président du Giec) sont des scientifiques et ingénieurs qui se sont longtemps employés à dialoguer avec les industriels et le pouvoir. Ils écrivent aujourd’hui dans Le Monde diplomatique de décembre un article qui apparaît constituer la position la plus juste à tenir sur la question climatique. Cette position a en outre le mérite d’intégrer pleinement la question de la santé des personnes et des populations. En voici le lien, la référence et le reproduction en format pdf.

  • Grandjean A, Henry C, Jouzel J, « Les quatre degrés de l’apocalypse ». Le Monde diplomatique, décembre 2023, 20.

Ces savants expliquent que les activités de prédation que les pouvoirs publics ne semblent pas disposés à démanteler nous entraînent vers un scénario de 4°C de réchauffement au cours de ce XXIe, un scénario qui « n’est pas compatible avec la pérennité des formes avancées de vie sur Terre », comme l’explique la publication de Rockström de 2018 citée en référence. Or, c’est précisément sur ce scénario que notre ministre en charge de l’écologie, Christophe Béchu, veut sans blêmir nous faire plancher, tandis que les grands établissements bancaires français (BNP, Société générale, Crédit agricole notamment) « assurent le socle financier [de ce] crime humain et écologique de masse ».

Les mesures que proposent ces savants ne sont pas même évoquées aujourd’hui par les pouvoirs publics. Elles ne sont pourtant qu’un préalable au nécessaire réinvestissement personnel de nos rapports au vivant et à la société :
 « Obliger les entreprises à enregistrer dans leur bilan les atteintes à la santé humaine et aux ressources naturelles »
 « Restructurer les finances publiques, c’est-à-dire les systèmes de prélèvements et de subventions, de telle manière qu’elles cessent de générer des déprédations, mais soient au contraire des instruments d’une réduction radicale des émissions et d’une adaptation supportable »
 « Appliquer aux institutions qui s’obstineraient à financer la destruction de la santé humaine et des ressources de la planète les mêmes sanctions qu’en matière de financement d’activités criminelles (trafic de drogues, terrorisme, etc.). »
 « Écraser les inégalités. Les 10% des habitants de la planète les plus riches sont responsables de 60% des émissions de gaz à effet de serre. Comme ils peuvent s’accommoder d’une pression fiscale indirecte accrue, ou la contourner, il est indispensable de s’attaquer au cœur de leurs privilèges : leurs revenus, leurs patrimoines et leurs pouvoirs d’influence »
 « Opérer des transferts financiers massifs des pays riches, responsables historiques du réchauffement climatique, au profit des pays peu développés ».

En ayant répugné jusqu’à aujourd’hui à désigner clairement les naufrageurs des équilibres vitaux de la biosphère, dont le climat constitue une forme de clé de voûte, nous les avons laissé nuire au point que nous ne sommes plus en mesure de proposer aux enfants nés au XXIe siècle d’autre espérance qu’un « avenir inconfortable, mais laissant place à l’imagination, pour autant que soit bloqué, immédiatement et vigoureusement, le mouvement de destruction des conditions de la vie sur la planète ». Dans ces conditions, chacun se trouve face à ses démons intérieurs, mais pour que ce travail sur nous-mêmes soit seulement possible, « il paraît de bon sens que les responsables du plus grand pillage de l’histoire de l’humanité soient mis hors d’état de nuire ». Le plus tôt sera le mieux : la façon dont est organisée la COP28 – une véritable humiliation pour cette génération climat qui s’est réveillée puis a été réduite au silence à l’occasion de la pandémie de covid – constitue la vitrine clownesque du mode de traitement de nos problèmes fondamentaux que les puissants de ce monde nous préparent si nous renonçons à cette exigence élémentaire.

Le désarmement des naufrageurs du climat et des équilibres vitaux de la biosphère peut prendre différentes formes : un Nuremberg du climat ou une Commission pour la vérité et la réconciliation (à l’instar du traitement de la fin de l’apartheid en Afrique du Sud), lesquels ne sauraient cependant épargner les principaux responsables de la situation dramatique dans laquelle se trouvent aujourd’hui « les formes avancées de vie sur Terre » dont nous faisons partie.

Michel Cucchi

NB : une version développée de ce point de vue est disponible dans le document ci-dessous.

  • Cucchi M, « Face à la mise en danger de l’humanité », 5 décembre 2023.

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